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L'œuvre toute entière de Wim Delvoye est imprégnée de culture catholique. Cette thématique traverse l'ensemble de son travail.
Elle en est la source et la cible. Wim Delvoye met en scène nos tabous et les interdits religieux ; non pour choquer mais pour révéler
leurs paradoxes. Il ne faudrait pas voir dans le travail provocateur de Wim Delvoye un acte ironique de profanation, pas plus qu'une
restauration du spirituel, mais bien une volonté de saisir les contradictions de notre société. Elle en reprend le langage, la confronte
au poids effectif des traditions, fait apparaître des survivances. Delvoye intensifie les marques socioculturelles de manière à susciter
en nous des réactions. Porcs tatoués, engins de chantier ou nautiles élevés au rang d'édifices gothiques, cathédrales métalliques à
l'imagerie subversive, crucifix torsadés interrogent notre rapport au corps et aux symboles. Par ces détournements, Wim Delvoye renverse
l'ordre établi, délocalise les valeurs de notre société de manière grivoise et décomplexé. Bien loin d'une vision pessimiste, Wim Delvoye
rejoue les postures de notre société, révèle ses inepties.
L'artiste met en place un véritable processus de germination. Il fait cohabiter des images antagonistes fortement connotées jusqu'à
ce qu'elles fusionnent et donnent naissance à une ouvre d'art syncrétique. L'artiste assimile des valeurs contradictoires issues
de sa Flandre natale et des pays qu'il côtoie. La magie opère quand le sacré se mêle au profane, le spirituel au matériel,
le culturel au naturel jusqu'à ne former plus qu'un. Ces germinations forment un nouveau symbole autonome, une nouvelle entité
dont les influences s'entremêlent jusqu'à devenir indiscernables. N'est-ce pas l'un des paradigmes de l'art que de transcender
la réalité en une ouvre nouvelle et originale ? La force de l'ouvre de Wim Delvoye réside incontestablement dans cette capacité
d'absorption et de mutation latente.
Gilbert Perlein , Rébecca François, extrait du texte du catalogue de l'exposition Wim Delvoye, Skira, Flammarion, 2010
Communiqué
Dans une ferme située en Chine près de Pékin, Wim Delvoye élève des cochons tatoués sous lœil bienveillant de vétérinaires.
Sauvés de lindustrie agro-alimentaire, les porcelets sont anesthésiés pour être tatoués. De leur vivant, les bêtes sont choyées,
traitées comme des stars, libres de leur mouvement et filmées en continu. Une fois mortes, elles sont naturalisées.
Bien que la démarche de lartiste puisse être perçue comme dérangeante voire provocatrice
, elle sert néanmoins à poser le débat sur la question de lexploitation animale. La notion délevage industriel est abordée sans
hypocrisie à la fois dans sa banalité et son aspect mortifère jusqu’à lexploitation du produit. En effet, Wim Delvoye ne fait que
reproduire à son échelle le processus économique de production pour la consommation. Lexposition du Mamac présente une image apaisée
et sereine de lanimal loin du fétichisme habituel des collectionneurs de trophées ; bien au contraire les cochons sont présentés
dans leur intégrité physique et leur identité originelle. Le musée propose sept cochons tatoués et naturalisés en regard des dessins
préparatoires.
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